Les yeux posés sur l’affiche du film « The Artist » accrochée au dessus de mon canapé, j'ai formulé une intention très forte. Bien sûr qu'interrompre ses études de médecine après 4 années peut sembler inconscient. 
Mais lorsque la pulsion de vie et les cris du coeur sont plus forts que les barricades du mental, vous vous transformez naturellement en fleur de sakura qu’une douce brise décoche de sa branche pour ainsi tournoyer dans les airs avec grâce.
C’est à la suite d'une expérience en Libye, dans le cadre d’un reportage pour France Télévisions au mois d'aôut 2011 aux côtés du grand reporter Grégoire Deniau que j’ai décidé de suivre ma voie. Nous étions revenus indemnes d’un morbide ascenseur qui nous avait conduit tout droit dans les abysses de la guerre et de la folie des hommes. Sur place, par analogie d’atmosphère inhérente aux pays où l’appel du Divin est amplifié par les minarets, je priais très fort que le berceau de mes ancêtres, poumon de mes 20 premières vacances d'été ne connaisse le même sort. 
Aujourd’hui, cimetière de nos larmes ignorées, la Syrie a malgré tout nourri l’optimisme ardent d’un retour à la paix durable, un cauchemar à transformer en nouveau rêve. Quel autre choix ?
Devant cette affiche de cinéma en noir et blanc, où " The Artist " est écrit en rouge vif, j’ai murmuré : 
« Je serai un des plus grands artistes de ma génération ». 
Quelque peu présomptueux, n'est-ce pas ? Peu importe, un virage à 360° implique un solide bolide brûlant benzène de motivation. Bravant pression familiale, hérédité des traumas passés et présents, avec la conviction inébranlable que c'est la chose à faire pour honorer les aïeux et les générations futures, au carrefour de ses 21 bougies. 
J’ai fait mon choix. Je ne regarderai plus en arrière. C’est donc accompagné de mes mentors, de Picasso à Solaar de Rûmi à Jay-Z de Khalil Gibran à Tupac, en passant par Basquiat, Ibn Arabi, Omar Khayyam, Frida ou Mahmoud Darwich, que j'amorcerai le pari d'un marathon visualisé sur 10 années : 
vivre pleinement de son Art. 
Ce dessin qui m'anime depuis la tendre enfance, ces premières rimes écrites à 8 ans louant la beauté d'un pays oriental où "mon papa est né" et cette marmite du Hip-Hop dans laquelle on tombe à l'adolescence : une "3e culture" qui vous accueille avec polyvalence et universalité.
Un Art sans limite. Pour la paix. Peut-être aussi pour tenter de guérir ? De réparer quelque chose ? Est-ce donc si différent de la médecine ? Réparer. Une arcade de Palmyre bombardée ? Probablement. Un jardin d’enfance dévasté ? Sûrement.
10 années, pour grandir, apprendre, acheminer. Car « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ». Parcourir ce monde complexe aux identités plurielles, pour se connaître un peu plus soi-même. Explorer, expérimenter. Affiner, se perdre, se retrouver. Écrire, dessiner, réaliser, rapper, poétiser, créer des chansons, capturer des fragments de vie au gré du timing qui nous traverse. Rencontrer, pratiquer. Améliorer ses « skills » tel un sportif, chaque jour, chaque seconde pour honorer la vision-phare d’un mantra qui ne nous quitte plus : 
Art & Life Are One. L’art & la vie ne font qu’Un.
Et que le chemin est long ! Mais tellement beau. Tantôt en résistance égoïque, tantôt en synchrodestinée. De lumineuses balises apparaissent comme indicateurs d’une constante évolution. Feux verts illuminés, sur sa propre 5e avenue. 
Gagner un concours vidéo où votre rappeur préféré Common vous offre votre premier appareil numérique. Créer sa marque de vêtements où sont customisées les couleurs d'une peinture dont vous serez quelques temps l'ambassadeur. Se retrouver aux pieds des pyramides pour tourner un clip. Déclencher un mouvement mondial de bonheur lorsque l'artiste Pharrell Williams relaye cet instant où dansez allègrement avec vos précieux amis. Être invité en Suède par une jeunesse belle et consciente pour dépeindre la reine Zenobia. Croiser des frères d’art et d’âme en loge avant de monter sur scène, qui vous nourrissent de leur vers et vous inspirent de tout leur être. Échanger quelques secondes avec un producteur américain émérite qui vous laisse avec «  Continue comme ça, un jour le rap deviendra spirituel et littéraire… ». 
Promulguer des doléances citoyennes et poétiques adressées à un futur chef de l’État la veille de son élection. Recevoir avec émotion un premier trophée artistique aux portes mystiques de la tendre Sidi Bou Saïd, avant d’être en lice pour un prix à l’UNESCO. 
Le tout dans un concert de réflexions, cacophonique et vacillant entre quête de légitimité et confiance absolue en sa valeur, témoignant que la vie est bel et bien un éternel équilibre entre tenir bon et lâcher prise.
Certes, les médailles rassurent et font parfois du bien. Mais est-ce bien pour cela que l'on fait ce que l'on fait ? Tout ce qui brille n'est pas or, or le voyage et le processus créatif sont eux bien sertis d'arabesques et d'enluminures, inestimables de richesse... Et de sens.
« À te regarder, ils s’habitueront » disait le poète. Viendront alors ces « Un-prévus » dans le plan de vol mais qui subliment tant la navigation. Ces instants que les institutions que vous avez quitté vous confient. La transmission de l'acte artistique à ceux et celles qui, à l'aube de leurs 20 ans se découvrent et se révèlent dans les mots, les rimes, la vidéo et la couleur le temps d'un échange suspendu. 
Et il y’aura aussi tous ces voyages, dans ce voyage. Ces conquêtes pacifiques reflets d'un regard sur le monde à l’instant T. Une connexion avec une source intarissable d’inspiration, par la culture et les âmes passionnées qui foulent les terres de l’Inde, où l'on réalise à l'adulescence le premier rêve de voir le Taj Mahal, des Antilles qui vous offrent hibiscus d’éternité, caramboles de rêves étoilés, d’une Grenade aux graines de coexistence dans un jardin de paix, d'un Maroc étoilé d'altérité, de New-York créative, prolifique, et tellement Hip-Hop ! D'une île de la réunion d'atomes, intense, d’une Indonésie en transe javanaise, d'un Sénégal spirituel et chaleureux ancré à la terre, ou encore de Madagascar, si humble et si paisible sur ses pirogues à balancier dans l'océan turquoise.
« The World is Yours » is the new « Tout-Monde » de Édouard Glissant. 
Nous sommes aujourd’hui en 2021. La ligne d’arrivée du marathon est à quelques « mètres-mois » et les artistes se poseront toujours la question "suis-je désormais maître de moi ? ".
Gratitude toutes les personnes qui m'ont fait, et me font grandir sur cette route.
Ces 10 années d'intensité se dessinent et se lovent sur ce portfolio, qui je l’espère trouvera une place toute particulière, une résonance en vous-même et de belles inspirations au gré des projets musicaux, poétiques, audiovisuels et picturaux.
Soyons ivres. Non de vin ni d’opium. 
Mais de liberté, ce feu ardent qui nous fait vivre. 
Art & Life Are One. 
Rohan
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